mercredi 27 mai 2020

Séance 5 - Suite


Le poème de Ronsard ne comporte que trois phrases.

Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, / En sa belle jeunesse, en sa première fleur, / Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, / Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose ; / La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose, / Embaumant les jardins et les arbres d’odeur ; / Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur, / Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose.
Ainsi en ta première et jeune nouveauté, / Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, / La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, / Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, / Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.


La disposition des rimes peut être mise en relief ainsi :
Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, A
En sa belle jeunesse, en sa première fleur, B
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, B
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose ; A

La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose, A
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur ; B
Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur, B
Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose. A

Ainsi en ta première et jeune nouveauté, C
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, C
La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes. A'

Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, B'
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, B'
Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses. A'

→ On remarque un décalage entre ce qu'on voit et ce qu'on entend : la disposition des strophes ne correspond pas à celle des rimes.
  • Ce poème est visuellement constitué de deux quatrains suivis de deux tercets.
(Mais ce qu'on entend, c'est : deux quatrains, un distique et un quatrain !)
  • Le mètre choisi par le poète est l'alexandrin.
  • Les rimes sont d'abord embrassées puis plates puis de nouveau embrassées.
À retenir : cette forme poétique, 14 vers disposés en quatre strophes, est appelée un sonnet. C'est une forme venue d'Italie et qui a été adoptée par les plus grands poètes français depuis la Renaissance car elle permet de créer des effets expressifs particulièrement frappants.


Les rimes de la dernière strophe sonnent comme celles des deux premières (-ose / -eur) mais on remarque que le poète a fait en sorte qu'elles soient désormais renforcées d'un -s, comme une victoire de l'inspiration poétique sur le pouvoir destructeur de la mort.
Les deux premières strophes évoquent l'image de la rose, dont la beauté peut susciter la jalousie du ciel et des dieux – beauté éphémère, hélas ! Le mot jeunesse est assez inattendu ici, étant d'ordinaire réservé aux êtres animés.
Les deux strophes suivantes s'adressent directement à la jeune femme défunte, emportée « en sa première et jeune nouveauté ». Le mot nouveauté fait référence au printemps. Là encore, le choix d'un tel terme peut surprendre alors qu'il est question d'une personne humaine mais il permet de faire comprendre le jeune âge de la morte.
Aux vers 1 et 9, Ronsard établit un lien entre l'image de la rose et le souvenir de la jeune défunte au moyen des mots comme et ainsi. Ce sont des mots-outils de comparaison.
Si l'on ne s'intéresse qu'aux mots placés à la rime (rose, fleur, couleur, arrose, repose, odeur, ardeur, déclose, nouveauté, beauté, reposes, pleurs, fleurs, et roses), on « balance » systématiquement entre la douceur et l'horreur. Le poète nous place toujours face aux deux aspects de la réalité qu'il évoque : la tragédie de la mort et la beauté de la vie.

Comme très souvent en poésie, celui qui sort véritablement grandi de ce triste épisode... c'est le poète lui-même !
Certes, les roses se fanent, les êtres humains meurent (parfois jeunes) mais l'œuvre du poète, elle, restera pour toujours – la preuve : vous êtes en train de l'étudier !

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